Yves Bosquet
Sculptures
Je travaille surtout le bois, il impose une contrainte dans le traitement des visages qui convient bien à l'expression que je veux leur donner. je voudrais: le minimum d'expression et le maximum d'intensité, ce n'est pas contradictoire. Je fais des portraits en terre, ce matériau convient mieux que le bois pour traquer les plus petites subtilités des grosses joues d'un petit garçon, du regard d'une jeune fille. Alors, je sculpte parfois les vêtements dans le bois ce qui me permet d'être moins classique. Quand je suis devant une jeune fille de vingt ans, un enfant ou un monsieur de cinquante ans légèrement intimidé, je me dis que la nature fait très bien les choses, j'interprète assez peu, laissant la personnalité de l'autre me charmer. Je me concentre sur la ressemblance constatant que celle-ci va de pair avec la qualité du portrait, de la sculpture. Je cherche, sans prétention, à rendre ce qui se passe à l'intérieur plutôt qu'à l'extérieur. Surtout, comme dans mes sculptures d'imagination, pas trop d’expression, pas de sourires appuyés, rien de sentimental ce qui donne à mon travail ce côté un peu lointain. Je regarde beaucoup vers l'antiquité où les archéologues exhument parmi des ruines perdues dans les déserts des statues aux traits mystérieux. Pour arriver à l'expression adéquate, je peux travailler pendant des heures, des jours, parfois un ou deux mois plus tard, je retouche les lèvres, les plis sous les yeux. C'est de la taille directe, je risque alors de tout devoir recommencer. Bon, alors, je décapite sans regrets, et je reprends une fois de plus mes livres sur les statues romanes, gothiques, les visages de Gustave Desmedt, ceux des dessins de Picasso, les korés du Parthénon et pour ce qui est d'une synthèse souvent radicale je me plonge dans le monde de l'art africain. J'éprouve beaucoup de difficulté à faire tourner une tête, un visage, c'est pour moi toujours plus intense quand elle regarde simplement devant elle. Je laisse rarement le bois dans son état naturel, je le teinte, je le couvre de dentelle ou de tissus variés, je le brûle. Ceci étant dit, je me demande quand même si je ne vais pas me laisser aller à quelqu'écart, après tout, Egon Schiele ce n'est pas si mal que ça. Je fais aussi des bas-reliefs, des paysages de mer en bois, en coquillages et vieilles planches trouvées sur les plages. La mer, des horizontales qui montent et qui descendent deux fois par jour, laissant autant de petits trésors sur le sable. Il y a aussi les marchandes de poissons, leur calme un peu lointain, leurs mains rouges dans l'eau froide, leurs tabliers en caoutchouc. Inépuisable inspiration, la mer qui sans les artistes se sentirait un peu seule. Récemment, à l'occasion de la découverte de vieilles clôtures de jardin, j'ai imaginé quelques arbres, quelques forêts. Là ce ne sont le plus souvent que verticales, mais les feuilles, pour ne pas trop les raconter, ce sont des moules. J'ai aussi quelques natures mortes où justement j'essaye de donner une expression à des objets qui n'en dégagent aucune. Mon ambition est alors de faire sourire une cafetière, de rendre tragique un œuf à la coque. Yves Bosquet – janvier 2007